Course à pied: Se distinguer dans un marché saturé

Ali Dostie [email protected]
Publié le 15 juin 2016

De 2014 à 2015, les parcours de 10 km et le demi-marathon ont subi une baisse de 1 % de participants.

©Michel Thibault

REPORTAGE. Après quelques années de croissance fulgurante, le marché de la course à pied stagne au Québec. Le nombre de coureurs augmente peu alors que de nouvelles courses ne cessent de faire leur apparition. Pour les organisateurs, savoir tirer son épingle du jeu devient tout un défi.

Le site Iskio, qui recense toutes les courses au Québec, révèle qu'en 2015, tous les événements de course confondus ont récolté plus de 264 000 participations. Si le nombre de coureurs demeure croissant (+6% en 2015), l'offre semble désormais plus élevée que la demande puisque 128 événements de course ont connu une diminution du nombre d'inscriptions.

«On est passé de 300 à 800 événements en quelques années, constate le gestionnaire du site web Iskio, Réjean Gagné. De plus en plus d'organisateurs annulent leur événement parce qu'ils n'ont pas assez d'inscriptions.»

Cela dit, les courses ne sont pas courues pour les mêmes raisons. Chaque événement, ou presque, a pour ainsi dire son trait distinctif.

«Les gens participent au Marathon de Montréal pour la foule, alors que si tu cherches un beau paysage, il y a la Course d'Oka, compare M. Gagné. Les organisateurs doivent travailler plus fort pour attirer les coureurs. Même les plus petites organisations peuvent parvenir à tirer leur épingle du jeu.»

Le directeur des opérations du Marathon de Montréal, Mario Blain, constate le léger ralentissement depuis 2015. Toutefois, l'événement de course le plus populaire du Québec en ressent plus ou moins les effets.

Depuis que le Marathon est sous l'égide du Rock'n Roll Marathon Series, en 2012, les inscriptions ont grimpé en flèche, la machine promotionnelle contribuant forcément à l'équation.  

«Montréal reste Montréal: le pont Jacques-Cartier, la masse de coureurs, la ville; ça a un cachet, affirme-t-il. Il faut se démarquer et c'est là qu'on va chercher notre notoriété, avec des bands sur le parcours.»

Le circuit des Courses gourmandes est un autre exemple de distinction, avec ses Chococourse, Marathon des érables ou Marathon des microbrasseries, selon Réjean Gagné. Comme les noms le laissent entendre, «ils offrent un lunch plus élaboré qu'une banane et du yogourt».

Les courses à obstacles ont aussi séduit leur public. Encore là, l'originalité est de mise. M. Gagné cite le Défi Ananas de la Société de leucémie et lymphome du Canada, un parcours à obstacles qui se fait en équipe, avec un ananas dans les mains.

De 2014 à 2015, les parcours de 5 km ont gagné en popularité (+14 %), selon le site Iskio.
Gracieuseté

Populaire grâce aux femmes

Cette actuelle vague d'amour pour la course à pied qui déferle entre autres sur le Québec est grandement attribuable à une forte participation des femmes.

En 2015, elles ont représenté plus de la moitié des coureurs de 1 km, 5 km et 10 km, selon Iskio. Pour le 5 km, cette proportion atteint 62 %. Pourtant, les femmes s'étaient faites plus discrètes lors de la première vague de popularité pour ce sport, au début des années 1980.

Les femmes participent davantage à cette deuxième vague pour deux raisons, selon le docteur en physiologie de l'exercice, Guy Thibault.

«Au moment où la course aurait pu devenir populaire chez les femmes, il y avait cette idée qui circulait de façon plus ou moins officielle que la course à pied ne serait pas bonne pour le système reproducteur féminin, indique-t-il. Même si ce n'était pas bien documenté, ç'a influencé les gens.»

Aussi, les nombreux articles sur ce sport et ses adeptes – notamment les personnalités publiques – auraient un effet d'entraînement. «Un des motifs extrêmement important, c'est le sentiment d'affiliation, précise Dr Thibault. Faire de la course, c'est dire: "Je fais partie d'un groupe qui fait quelque chose qui est in." Ça entretient beaucoup la motivation.»

De plus, certains experts soutiennent qu'au début des années 1980, les manufacturiers ont tardé à produire des vêtements et des chaussures de courses qui plaisaient aux femmes, évoque Guy Thibault. Les gadgets électroniques, qui pullulent aujourd'hui, seraient aussi plus recherchés par les femmes. «Je ne suis pas d'accord avec cette théorie qui semble un peu sexiste. Mais c'est une hypothèse intéressante», mentionne Dr Thibault.