Biométhanisation : un pari risqué?

Eric Nicol [email protected] Publié le 28 octobre 2015

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©TC Média - archives

Environnement. Les grandes villes du Québec n’ont pas toutes trouvé la solution à leurs résidus organiques, mais plusieurs d’entre elles sont tentées de se tourner vers la biométhanisation. Réussiront-elles à temps? Pas certain.

Après le compostage, c’est l’autre technique qui est reconnue par le programme de subvention du gouvernement du Québec. Dans ce procédé, on crée un milieu où les matières organiques se dégradent sans apport d’oxygène. Il en résulte du méthane, un gaz qu’on peut utiliser comme carburant renouvelable, ainsi qu’un digestat qui peut être composté ou transformé en fertilisant. Encore une fois, il existe plusieurs technologies de biométhanisation, mais l’idée de produire du gaz a charmé plusieurs villes qui y ont vu une source de revenus.

C’est la voie qu'a entreprise Saint-Hyacinthe il y a quelques années. Ce n’est pas avec des pelures de carottes et des feuilles mortes que l’histoire a commencé, mais plutôt avec les boues municipales, un terme aseptisé qui désigne les résidus des usines de traitement des eaux usées. Après avoir conclu que ces boues pouvaient produire de l’énergie, cette Ville s’est lancée dans la construction d’une usine de biométhanisation qui a été dévoilée au public il y a un an. L’usine, qui a coûté plus de 48 M$ financés par la Ville ainsi que par des subventions provinciales et fédérales, doit en principe produire du gaz qui alimentera des véhicules municipaux, chauffera des édifices publics et, à partir de 2016, pourra même alimenter le réseau de Gaz Métro. « C’est un investissement qu’on pourrait rentabiliser en 6 ans, mais avec les prix du gaz qui fluctuent, on demeure prudents. Les montants de nos ventes à Gaz Métro pourraient varier », affirme la directrice des communications de Saint-Hyacinthe, Brigitte Massé.

À Rivière-du-Loup, l’usine qui est en démarrage, s’alimentera des matières organiques et du méthane qui s’échappe du site d’enfouissement voisin. Elle produira un carburant liquide pouvant alimenter des camions de transport. « Nous prévoyons en tirer des profits après deux ans d’opération, affirme Serge Forest, directeur général de la Société d’économie mixte d’énergie renouvelable de la région de Rivière-du-Loup (Sémer).

Pas une recette miracle

Dans un cas comme dans l’autre, le succès de l’entreprise dépend entre autres de la quantité de matières traitée. À Saint-Hyacinthe, on traite les déchets organiques de 23 municipalités, ce qui représente un bassin de population de 100 000 personnes, mais surtout, on compte sur l’apport de l’industrie agroalimentaire qui fournit plus de la moitié des matières méthanisées.

Le directeur général du Front commun pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, affirme que la biométhanisation, de façon générale, est valable, mais qu’elle n’est pas miraculeuse. « On est en droit de se poser des questions: que fait-on du digestat? Cette matière doit être traitée. Elle est semi-solide et on doit la traiter avant de la réutiliser. Il faut savoir aussi s'il y a un débouché. Y a-t-il des champs où l'étendre? On investit des centaines de millions de dollars dans des usines, mais si on n’investit rien dans la sensibilisation, on retrouvera peut-être des fourchettes de plastique dans ce digestat et certains cultivateurs n’en voudront pas. Il ne faudrait pas qu’il finisse par servir de matière de recouvrement dans un dépotoir.»

Devant les coûts importants de son projet d’usine, la MRC de la Haute-Yamaska a récemment fait marche arrière et pris la décision d’aller vers le compostage. « Les municipalités peuvent avoir des difficultés à évaluer la rentabilité de ces projets. Elles se retrouvent un peu seules dans le processus de biométhanisation », affirme la conseillère aux politiques en environnement pour l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Marie-France Patoine.

À Montréal et à Québec, des usines de biométhanisation feront partie de l’équation pour atteindre l’objectif de 2022, mais l’ampleur des projets pourrait entraîner des retards. Avant l’annonce du report de l’échéance en 2022, le maire de Québec, Régis Labeaume, a répété à plusieurs reprises dans les médias qu’il serait difficile d’avoir une usine en fonction avant la fin de 2019. À Montréal, on prévoit construire une usine et des sites de compostage avant la fin de 2019, mais le projet de Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles annonce que les villes de la Communauté métropolitaine (CMM) devraient recycler 60% des matières organiques d’ici… 2025. « Montréal fait figure de très mauvais élève dans ce dossier, déplore le professeur de chimie et spécialiste des matières résiduelles, Marc Olivier. Tout le monde avait bien compris que l’échéance était 2020 et la CMM vient nous dire qu’elle s’autorise cinq ans de plus. »

 

En manchette

Mont Saint-Sauveur investit dans un mini-golf

Mont Saint-Sauveur international (MSSI) déboursera près d’un million $ pour construire un parcours de mini-golf à proximité de ses glissades d’eau et de ses manèges. La station de ski poursuit ainsi son objectif de diversifier ses activités dans le domaine du loisir.

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Environnement. Les grandes villes du Québec n’ont pas toutes trouvé la solution à leurs résidus organiques, mais plusieurs d’entre elles sont tentées de se tourner vers la biométhanisation. Réussiront-elles à temps? Pas certain.

Après le compostage, c’est l’autre technique qui est reconnue par le programme de subvention du gouvernement du Québec. Dans ce procédé, on crée un milieu où les matières organiques se dégradent sans apport d’oxygène. Il en résulte du méthane, un gaz qu’on peut utiliser comme carburant renouvelable, ainsi qu’un digestat qui peut être composté ou transformé en fertilisant. Encore une fois, il existe plusieurs technologies de biométhanisation, mais l’idée de produire du gaz a charmé plusieurs villes qui y ont vu une source de revenus.

C’est la voie qu'a entreprise Saint-Hyacinthe il y a quelques années. Ce n’est pas avec des pelures de carottes et des feuilles mortes que l’histoire a commencé, mais plutôt avec les boues municipales, un terme aseptisé qui désigne les résidus des usines de traitement des eaux usées. Après avoir conclu que ces boues pouvaient produire de l’énergie, cette Ville s’est lancée dans la construction d’une usine de biométhanisation qui a été dévoilée au public il y a un an. L’usine, qui a coûté plus de 48 M$ financés par la Ville ainsi que par des subventions provinciales et fédérales, doit en principe produire du gaz qui alimentera des véhicules municipaux, chauffera des édifices publics et, à partir de 2016, pourra même alimenter le réseau de Gaz Métro. « C’est un investissement qu’on pourrait rentabiliser en 6 ans, mais avec les prix du gaz qui fluctuent, on demeure prudents. Les montants de nos ventes à Gaz Métro pourraient varier », affirme la directrice des communications de Saint-Hyacinthe, Brigitte Massé.

À Rivière-du-Loup, l’usine qui est en démarrage, s’alimentera des matières organiques et du méthane qui s’échappe du site d’enfouissement voisin. Elle produira un carburant liquide pouvant alimenter des camions de transport. « Nous prévoyons en tirer des profits après deux ans d’opération, affirme Serge Forest, directeur général de la Société d’économie mixte d’énergie renouvelable de la région de Rivière-du-Loup (Sémer).

Pas une recette miracle

Dans un cas comme dans l’autre, le succès de l’entreprise dépend entre autres de la quantité de matières traitée. À Saint-Hyacinthe, on traite les déchets organiques de 23 municipalités, ce qui représente un bassin de population de 100 000 personnes, mais surtout, on compte sur l’apport de l’industrie agroalimentaire qui fournit plus de la moitié des matières méthanisées.

Le directeur général du Front commun pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, affirme que la biométhanisation, de façon générale, est valable, mais qu’elle n’est pas miraculeuse. « On est en droit de se poser des questions: que fait-on du digestat? Cette matière doit être traitée. Elle est semi-solide et on doit la traiter avant de la réutiliser. Il faut savoir aussi s'il y a un débouché. Y a-t-il des champs où l'étendre? On investit des centaines de millions de dollars dans des usines, mais si on n’investit rien dans la sensibilisation, on retrouvera peut-être des fourchettes de plastique dans ce digestat et certains cultivateurs n’en voudront pas. Il ne faudrait pas qu’il finisse par servir de matière de recouvrement dans un dépotoir.»

Devant les coûts importants de son projet d’usine, la MRC de la Haute-Yamaska a récemment fait marche arrière et pris la décision d’aller vers le compostage. « Les municipalités peuvent avoir des difficultés à évaluer la rentabilité de ces projets. Elles se retrouvent un peu seules dans le processus de biométhanisation », affirme la conseillère aux politiques en environnement pour l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Marie-France Patoine.

À Montréal et à Québec, des usines de biométhanisation feront partie de l’équation pour atteindre l’objectif de 2022, mais l’ampleur des projets pourrait entraîner des retards. Avant l’annonce du report de l’échéance en 2022, le maire de Québec, Régis Labeaume, a répété à plusieurs reprises dans les médias qu’il serait difficile d’avoir une usine en fonction avant la fin de 2019. À Montréal, on prévoit construire une usine et des sites de compostage avant la fin de 2019, mais le projet de Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles annonce que les villes de la Communauté métropolitaine (CMM) devraient recycler 60% des matières organiques d’ici… 2025. « Montréal fait figure de très mauvais élève dans ce dossier, déplore le professeur de chimie et spécialiste des matières résiduelles, Marc Olivier. Tout le monde avait bien compris que l’échéance était 2020 et la CMM vient nous dire qu’elle s’autorise cinq ans de plus. »